Visiblement, les récentes nominations à la tête de l’IBPT et le plan numérique 2010/2015 du Ministre Van Quickenborne dévoilé ce mardi (nous y reviendrons) donnent du tonus à deux grands opérateurs. La presse économique se fait ce mercredi l’écho d’une plainte déposée par Mobistar et KPN/Base contre Belgacom auprès de la Commission européenne.
En 1984, le gouvernement américain prononçait la dissolution d’American Telephone and Telegraph Company en plusieurs sociétés. Objectif de cette loi anti-trust : éviter la création de monopoles. Ont suivi les Baby Bells, nés de l’éclatement : Verizon, Qwest et… AT&T Inc. Mais, revenons en Belgique.

Après avoir poursuivi Proximus pour abus de position dominante dans la tarification des appels mobiles, action qui avait mené à une amende historique de 66,3 millions d’euros, Base se rapproche cette fois, selon le Trends, d’un acteur toujours resté très discret sur la question, Mobistar. La filiale d’Orange avait pour habitude de passer par les plateformes de lobbying des FAI, ce qui ne s’est jamais révélé très efficace, faute d’impulsion politique et industrielle en écho à ses doléances.

Base et Mobistar ont ainsi porté plainte en avril dernier contre Belgacom pour le même « abus de position dominante », mais cette fois sur le « fixe ». A vrai dire, le dossier n’est pas nouveau : en dehors du câble, les opérateurs privés doivent passer par – le gestionnaire de réseau – Belgacom pour atteindre le consommateur. Les prix et les conditions d’accès à ce réseau sont jugés prohibitifs.

Comment cela est-il possible ? Belgacom est à la fois opérateur et gestionnaire de réseau, là où, par exemple, dans le monde de la distribution du gaz et de l’électricité, un organe tiers a été créé pour organiser la concurrence en jouant un rôle d’intermédiaire beaucoup plus sain entre le client et le fournisseur.

Sur un marché correctement organisé, l’IBPT jouerait ici son rôle de régulateur et de facilitateur en faisant baisser les prix, comme ce fut le cas chez nos voisins néerlandais et français il y a quelques années. En Belgique, le laisser-faire du politique a mené à la création d’un duopole entre Belgacom et Telenet (au Nord du pays). La consolidation tardive du câble en Wallonie et son absence d’uniformisation nationale (Numéricâble et Telenet sont aussi actifs en situation de « monopole » sur des territoires distincts à Bruxelles) laissent un boulevard à Belgacom dans le Sud.

Résultat : des prix élevés, une innovation mesurée et une absence de variété de choix pour le consommateur final.

Le Triple Play ? N’y pensez pas…

Dès hier, KPN prenait, avec une certaine satisfaction, connaissance du communiqué de presse envoyé par l’Auditorat auprès du Conseil de la Concurrence, dans lequel ce dernier déclare que « Belgacom a abusé de sa position dominante sur le marché des télécommunications via sa formule tarifaire Happy Time ». Anodin ? Pas vraiment : « Sur base des tarifs de gros qu’il faut payer à Belgacom pour l’utilisation du réseau Belgacom, TELE2 pouvait uniquement concurrencer le tarif Happy Time si elle était prête à vendre à perte (prix ciseaux). » Le Tribunal de Commerce n’a pas encore rendu son jugement, les débats se clôtureront dans le courant de cette semaine.

Mobistar et Base s’estiment dans l’impossibilité de lancer des offres dites « triple play » (téléphonie, Internet et télévision). Pour ses concurrents, Belgacom a réservé à ses propres abonnés l’accès aux technologies ADSL 2+, puis aujourd’hui au VDSL. Impossible dès lors de faire le poids pour un opérateur dit alternatif. KPN accuse également Belgacom d’obstruction : délais de raccordement plus longs pour les clients d’autres fournisseurs et contestation systématique des décisions de l’IBPT devant les tribunaux, dans des procédures longues de nature à figer le marché le plus longtemps possible.

Belgacom conteste  ! Les opérateurs ont accès, répète-t-on, au réseau ADSL2+ depuis juillet 2008 et au réseau VDSL2 depuis novembre 2008. Dans les faits, comme le souligne Mobistar, les tarifs wholesale (de gros) imposés par l’opérateur historique sont dissuasifs et empêchent une saine concurrence.  Concurrencer signifierait vendre à perte.

« BASE redoute cependant que cette initiative prise par le Ministre arrive trop tard »

Dans un communiqué, KPN se réjouit des initiatives prises par Vincent Van Quickenborne, « premier décideur qui, dans les 10 dernières années, a réussi à faire une analyse claire des problèmes qui mènent à l’absence de concurrence en Belgique et qui indique dans quelle direction la recherche de solutions doit s’orienter. »

N’est-il pas trop tard ? « BASE redoute cependant que cette initiative prise par le Ministre arrive trop tard pour une partie du marché des télécommunications en Belgique. La question se pose de savoir si la concurrence trouvera un second souffle sur le marché de la téléphonie fixe et de l’Internet. Le marché étant de facto divisé entre Belgacom d’une part et Telenet (en Flandre) et VOO/Tecteo (en Wallonie) d’autre part. »