Après une fin d’année qualifiée de désastreuse, 2009 s’annoncerait sombre pour Intel, Motorola, Sony Ericsson, Nokia, Apple, Samsung, Google et Microsoft.  Prenez une veste d’hiver, vous risquez d’avoir froid aux yeux à la lecture de l’analyse très peu réjouissante dressée par le cabinet Frost & Sullivan sur ces « géants du mobile aux pieds d’argile ».

Il ne se passe pas un jour sans qu’un institut publie un baromètre des ventes, des prévisions de croissance, des attentes du public et des anticipations de tendances. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’analyse à froid du département NTIC de Frost & Sullivan n’est pas tendre avec les géants de l’informatique, surtout dans le domaine des télécoms.

L’année en cours va nous faire traverser une nouvelle zone de turbulences : nous le sentions bien. On y prévoit visiblement des fusions, des acquisitions, des manches à retrousser et surtout une explosion des offres de logiciels mobiles. Comprenez : il y aura une prime à l’innovation pour qui a les reins assez solides pour la saisir.

En ce début d’année, l’industrie mobile commence à mettre en œuvre des stratégies de réduction de la main d’œuvre et de fermetures d’usines. Et ce n’est, à en croire Frost & Sullivan, que le commencement d’un cauchemar collectif.

« Sony Ericsson va devoir retrousser ses manches »

Quelques températures de saison seront utiles.

Intel a terminé l’année 2008 avec une chute de 88% de ses revenus nets et une baisse de 19% de ses recettes. Frost & Sullivan met en garde : « si les ventes des PC et des portables traditionnels ne reprennent pas, le faible prix des netbooks finira par réduire les marges des fabricants de puces et des distributeurs. »

Motorola n’irait guère mieux. L’entreprise a annoncé une baisse de 51% de ses ventes sur un an, une réduction de ses effectifs de 4000 personnes « ainsi qu’un gel des salaires pour 2009 ». Motorola se concentre désormais sur Android, ainsi que sur le marché des mobiles milieu de gamme.

Le cas de Sony Ericsson est nettement plus préoccupant : « Entre le troisième et le quatrième trimestre 2008, l’équipementier a régressé du 3ème au 4ème rang mondial sur le marché des mobiles. Sony Ericsson est passé d’une situation excédentaire de 1,4 milliard de dollars en 2007 à une perte d’environ 94 millions de dollars en 2008. » Solution : « Sony Ericsson va devoir retrousser ses manches et se concentrer sur des mobiles à haute valeur ajoutée pour accroître ses marges et rester compétitif par rapport à des sociétés comme LG, dont la politique de mobiles à bas prix devrait lui permettre de combattre la récession. »

« Apple n’a annoncé aucun lancement de produit révolutionnaire au salon CES »

« Même Nokia a eu une année 2008 difficile », estime le cabinet, avec une baisse des ventes de 19% et une chute de 69% de ses revenus nets à 576 millions d’euros pour le 4ème trimestre. De son côté, le brillant Samsung est aussi en proie à la crise : une baisse de ses profits sur l’année de 26% malgré une hausse de 15% de ses revenus en 2008.

Et Apple, est-elle l’entreprise qui finalement réussit à défier les plus pessimistes ? Pas pour Frost & Sullivan, qui indique que « ses livraisons de l’iPhone 3G ont baissé de 6.9 millions à 4.3 millions entre le 3ème et le 4ème trimestre 2008. La société n’a annoncé aucun lancement de produit révolutionnaire au salon CES de Las Vegas et elle devra donc s’efforcer de lancer des mobiles différenciés sur plusieurs segments de marché afin de garder son élan dans l’industrie mobile. »    C’est désormais prouvé : le modèle de distribution de l’iPhone, baigné d’exclusivités avec les opérateurs, est un frein à une plus large expansion, tout comme son prix.  Apple peut réagir.  Encore faut-il pouvoir descendre du piédestal ou du mirador.  Ce n’est pas si évident quand on a le ventre plein de soi-même. 

Microsoft alors ? Ses indicateurs « ont également baissé au 4ème trimestre 2008. Pour Microsoft, la croissance viendrait peut-être du développement d’applications mobiles pour concurrencer Apple et consort. »  Exemples : RIM et son Blackberry Store, l’Android Market ou encore l’imminent Ovi Store de Nokia.

Entendez aussi par là un appel vibrant à la fibre innovante des acteurs de théâtre que sont les constructeurs de mobiles. L’exemple de Palm est particulièrement évocateur : une renaissance permise par une signature d’audace et une prise de risque, au moment où tout aurait pu s’écrouler. Un dernier sursaut qui, de l’aveu général, pourrait s’avérer salutaire pour un constructeur à la déroute.

« Une série de fusions et acquisitions vont dominer le marché »

Luke Thomas, Directeur de recherche du département NTIC de Frost & Sullivan estime qu’il « faut s’attendre à ce que les entreprises signent des accords de partenariat plutôt que de traverser la tempête en solitaire. La récession ne faisant que commencer, il sera intéressant de voir comment diverses sociétés de différents secteurs d’activité vont réagir face à la baisse de la consommation. Il est fort probable que quelques acteurs, à travers une série de fusions et acquisitions, vont dominer le marché. »

« 2009 sera une année difficile pour le secteur mobile », prévient Luke Thomas de Frost et Sullivan. « Et s’il est facile de dire que le marché va rebondir d’ici fin 2009, rien n’est moins sûr. Car les faits montrent que les marchés vont commencer à se stabiliser seulement au second semestre 2010 pour renouer avec une croissance positive fin 2011 ou début 2012. »

La raison des plus forts

Frost & Sullivan dresse là une analyse bien morose des perspectives du marché, mais sans doute très lucide. Certes, il est permis de reprocher à l’auditeur d’avoir éludé des acteurs de poids comme HTC dans la description, mais pas d’avoir versé dans l’étalement de prévisions de résultats fumeuses. Dans la plupart des cas, les chiffres évoqués sont déjà publiés.

Le rapport frappe également comme un avertissement sur résultats et montre la voie à suivre pour des constructeurs parfois perdus dans un noeud de stratégies révolues : innover, consolider, surprendre, développer des logiciels et chercher les marges de croissance les plus rentables. Fusions, acquisitions, raison et consolidation des systèmes d’exploitation seront probablement les mots clés de cette année, qu’on espérait plus trépidante.