Difficile d’avoir échappé ce lundi au rapport incendiaire élaboré par Test-Achats sur le prix des connexions Internet en Belgique. Trop cher et manque de volonté politique, regrette l’association. Faux et partisan, répond Belgacom, dans une très pathétique déclaration de presse à l’agence Belga, comme pour dire… « même pas peur ! »

Ce lundi, une fois encore, l’association de défense des consommateurs a fustigé le prix élevé du haut débit dans notre pays et réclamé une action politique forte pour stimuler le marché et faire baisser les prix. Ils seraient jusqu’à 2 fois plus élevés que chez certains de nos voisins européens.

L’étude de Test-Achats a comparé plus de 120 offres commerciales dans 8 pays européens en fonction de quatre profils-types. Conclusion : la Belgique est l’un des plus mauvais élèves du groupe. Là où les premières offres commencent à 15 à 20 euros par mois chez nos voisins, la facture s’élève à plus de 40 euros en Belgique. Autre problème, connu et rarement évoqué, le conflit d’intérêt entre l’indépendance de l’Etat belge et sa dépendance/participation majoritaire dans l’actionnariat du groupe Belgacom.

Ce n’est pas la première fois que Jean-Philippe Ducart monte au créneau : Test-Achats s’est souvent exprimé sur le sujet, notamment dans l’édition de l’émission « Questions à la Une » consacrée au prix de l’Internet en Belgique.

Belgacom : « Ces résultats lui conviennent fort bien car l’association a passé des accords avec des fournisseurs alternatifs d’internet »

La réplique n’a d’ailleurs pas tardé au siège de Belgacom, où l’on se montre plus qu’agacé : « Ces conclusions ne sont pas conformes à la réalité », déplore Jan Margot, le porte-parole. Pour lui, l’assocation n’est guidée « que par ses propres intérêts. Ces résultats lui conviennent fort bien car l’association a passé des accords avec des fournisseurs alternatifs d’internet. » Belgacom reproche à Test-Achats de ne pas tenir compte de tarifs Internet à bas coût (allusions aux formules de type « budget » à 1 Mbps pour 400 Mo de volume mensuel). Ce que semble précisément dire le rapport, c’est que ce « prix de base » donne accès à des technologies nettement moins restrictives et plus rapides presque partout ailleurs en Europe. Rappelons qu’en Belgique les volumes de téléchargement restent limités, sauf exceptions très rares (l’illimité devient une option chez certains fournisseurs comme Télé 2, VOO ou Coditel).

La déclaration de Belgacom élude une fois encore la question des vitesses d’accès (même les clients VDSL2 de l’opérateur ont aujourd’hui droit à 4 Mbps !), qui n’ont pas évolué depuis le début des années 2000. Ce manque d’évolution est particulièrement visible alors que les connexions Internet mobiles permettent aujourd’hui déjà des vitesses de 3,6 Mbps (voire 7,2 très rapidement) via la 3G+. D’ici quelques mois, une connexion Internet mobile sera plus rapide qu’une connexion ADSL !

L’opérateur souligne de manière une fois encore très aggressive le cas d’un fournisseur alternatif en retard de paiement de ses factures – e-Leven dans ce cas -, ce qui a « obligé » l’opérateur historique à suspendre début mai ses services. « Il est facile de proposer des tarifs moins chers quand on ne paie pas ses factures », commente Jan Margot. Ce qui nous semble relativement étonnant, c’est d’imaginer que sur un marché libéralisé, un opérateur en position dominante ait la capacité de couper l’accès de milliers d’abonnés et soit le passage obligé pour un opérateur tiers.

Aujourd’hui, en Belgique, aucun gestionnaire de réseau indépendant n’est en place, ce qui permettrait pourtant de retirer à Belgacom le monopole de l’ouverture des lignes de cuivre. Pour mieux comprendre le problème, une image simple : imaginons des supermarchés belges de différentes enseignes (Delhaize ou Carrefour par exemple) obligés de se fournir chez un seul distributeur, par ailleurs concurrent (disons Colruyt).

Consolation : le Ministre en charge de la régulation des télécommunications, Vincent Van Quickenborne, actuellement en voyage diplomatique, s’est déclaré satisfait des conclusions de l’enquête. Il souhaite favoriser une concurrence plus importante sur le marché et réfléchir à un retrait partiel de l’Etat belge de l’actionnariat de Belgacom. Rappelons que dès juillet tous les opérateurs pourront accéder à la technologie ADSL 2+ qui, contrairement à ce que Belgacom tente de faire croire à ses clients, permet très naturellement des débits d’environ 20 Mbps.

Ce n’est certainement pas demain que vous pourrez accueillir chez vous un boîtier capable de livrer 20 mégas, une ligne de téléphone illimitée en Europe et des dizaines de chaînes de télévision numériques pour une trentaine d’euros, mais une petite volonté politique s’exprime. Gageons que les autres partis de la majorité ne viendront pas torpiller l’enthousiasme du jeune Ministre, par ailleurs – page people – propriétaire d’un très médiatisé iPhone, devenu une véritable affaire d’Etat – et, malgré les apparences, témoin de tensions malsaines entre partis de la majorité sur quelques dossiers chauds, notamment celui de Belgacom. Toujours très à cheval sur ce type de dossiers, Karine Lalieux s’expliquait récemment à ce sujet sur son blog.

Va-t-on casser la poule aux oeufs d’or de l’Etat belge ? Nous verrons bien, mais ne sommes guère optimistes. En dix ans de libéralisation, Belgacom en a vu bien d’autres…

La discussion ayant conduit à un débordement inutile, j’ai choisi de supprimer certains commentaires et de procéder à leur fermeture, pour cet article uniquement. C.G.